Rony Swennen, professeur à l’université belge KU Leuven, a rejoint l’équipe du RTB l’année dernière. C’était pour lui une étape logique dans une carrière de 35 ans au service des Musa, le genre des bananes et plantains. Chercheur de renommée dans une des meilleures universités du monde, il apporte au Programme de recherche d’amples connaissances et une riche expérience, ainsi que de nombreuses idées d’amélioration.

L’histoire de la Belgique avec les bananes commence dans les années 1930, lorsque des scientifiques belges commencèrent leurs recherches sur les bananiers et plantains dans ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi. Edmond de Langhe, aujourd’hui professeur émérite à KU Leuven, commença à étudier et à collecter différentes espèces de Musa dans la région dans les années 1950. A la fin des années 1970, il reçut une subvention du gouvernement belge pour entreprendre la recherche sur le bananier plantain à l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA). Swennen, qui faisait son doctorat à l’Université KU Leuven, rejoignit l’IITA comme agronome et physiologiste en 1979, avant de créer le programme de recherche sur les bananes de l’Institut. Les résultats suivirent, avec notamment le développement de 14 variétés de plantains résistants à la maladie de la Sigatoka noire en 1987, pour lequel l’IITA reçut le prix CGIAR du Roi Baudouin en 1994. « Le Nigéria a émis un timbre postal pour célébrer cette réalisation », explique Swennen, « et j’ai même reçu le titre honorifique de « chef » au Nigeria. »

La Belgique a continué à financer la recherche de l’IITA sur les plantains, et au fil des ans, une collection de bananiers de classe mondiale s’est développée à KU Leuven. En 1985, la Belgique, le Canada et la France créèrent le Réseau international pour l’amélioration de la banane et la banane plantain (INIBAP selon ses sigles en anglais), qui devint Bioversity International. Edmond de Langhe fut le premier directeur de l’INIBAP, qui a assumé la responsabilité de la collecte des variétés de bananes à la KU Leuven. Swennen lui succéda à la tête de la collection des Musa – maintenant appelée le Centre de transit international – tout en continuant à collaborer à l’IITA. Il commença aussi à enseigner à KU Leuven, où il devint professeur titulaire à la Faculté de génie en bioscience en 1997.

En février 2013, Swennen fut nommé chef du bureau de Bioversity International en Belgique, et dans les mêmes temps, chargé des activités d’amélioration des Musa à l’IITA. « Avoir un double contrat avec Bioversity et l’IITA est une occasion unique », dit-il. « Je suis heureux de faire le pont entre les deux centres. N’oublions pas que, finalement, nous appartenons tous au CGIAR et que les centres se complètent mutuellement ».

Swennen insiste pour que les scientifiques abattent les murs qui existent entre les centres de recherche, « pour le bien des agriculteurs », dit-il, et aussi parce que « nous devons avancer plus rapidement si nous voulons avoir davantage d’impact ». Il reste en contact étroit avec les agriculteurs, en particulier en Afrique.

L’une des réalisations dont il est le plus fier est le Prix d’excellence de la coopération Sud-Sud, que l’ONU a accordé en 2010 à un projet mis en œuvre par la Coopération Technique Belge sous la direction de la KU Leuven dans la région de Kagera en Tanzanie, où plus d’un million de personnes dépendent des bananes pour survivre. Ce projet, qui repose sur le travail du Programme international d’évaluation des Musa (IMTP), a été financé par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et exécuté par l’INIBAP. Une adoption rapide de nouvelles variétés et la distribution de 6 millions de rejets ont entraîné une triple augmentation du revenu d’un demi- million d’agriculteurs du nord-ouest de la Tanzanie.

La reconnaissance du travail accompli par la KU Leuven est également venue d’Asie. En 2009, Swennen a reçu le prix Kadali Puraskar en Inde lors du deuxième Congrès national de matériel de plantation sain de la banane. En 2000, les programmes nationaux de bananes en Asie lui ont donné le prix Pisang Raja, en reconnaissance des 21 ans de réalisation exceptionnelle dans l’amélioration des bananes et de la biotechnologie.

Etre enseignant apporte également à Swennen beaucoup de satisfaction. Il aime dire qu’il obtient le « meilleur des deux mondes » : le travail de terrain et la supervision des doctorants. Il est actuellement fasciné par les résultats obtenus par un étudiant de la RD Congo qui réalise la collecte de bananes plantains à travers son pays. « Il y a une telle diversité en Afrique centrale, c’est impressionnant ! ».

Swennen est un passionné de l’amélioration des bananes et il souhaite concentrer son travail sur l’Afrique subsaharienne. « L’amélioration a besoin d’un coup de pouce, mais il y a eu un changement de paradigme dans la recherche sur la banane. La recherche de variétés résistantes et à haut rendement ne suffit plus. Nous devons d’abord prendre en compte le goût et les exigences des agriculteurs ; ensuite intervient le travail de sélection de variétés résistantes », explique-t-il, avant d’ajouter : « Nous devons améliorer considérablement la collaboration. Avec les changements récents survenus au CGIAR, je suis heureux d’être de retour. La bonne nouvelle, c’est que le potentiel est énorme, parce que nous ne faisons que commencer ».